03 December 2025
30 millions d’euros provenant du budget d’aide au développement de l’UE ont été alloués au Sénégal pour le contrôle des migrations. L’examen de documents de la Commission européenne met clairement en évidence l’objectif principal de ce financement : la surveillance et le contrôle des frontières, l’interception maritime des personnes tentant de quitter le Sénégal pour rejoindre le territoire européen, ainsi que les infrastructures d’accueil/détention.
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Senegal's former president, Macky Sall, in the European Parliament in 2012. Image: European Parliament, CC BY-NC-ND 2.0
Cet article a été publié en collaboration avec Migration-Control.info. Also available in English.
En octobre 2024, Jutta Urpilainen, ancienne commissaire européenne aux partenariats internationaux, s’est rendue au Sénégal. Lors de sa visite, elle a annoncé que la Commission européenne allait fournir 30 millions d’euros supplémentaires pour soutenir les autorités sénégalaises dans leur lutte contre la migration irrégulière.
Selon Urpilainen, ce financement permettra de « renforcer les capacités d’assistance aux migrants, de lutter contre la traite et de sensibiliser ». Des reportages récents [ajouter le lien vers l’article d’Andrei] ainsi que des documents obtenus via des demandes adressées aux institutions européennes donnent davantage de précisions sur les projets de l’UE et du Sénégal.
Le financement proviendra du « Mécanisme flexible pour la migration et le déplacement forcé en Afrique subsaharienne » (pdf), qui fait partie de l’Instrument de voisinage, de coopération au développement et de coopération internationale (NDICI) de près de 80 milliards d’euros.
La majeure partie sera distribuée via la deuxième phase du Partenariat Opérationnel Conjoint (POC) (pdf), un projet de coopération policière. Alors que la première phase du POC portait sur la lutte contre les réseaux criminels liés au trafic illicite de migrants et à la traite des êtres humains, la deuxième phase inclut désormais aussi des efforts visant à freiner le terrorisme.
Cette augmentation budgétaire fait suite à des « discussions de haut niveau » entre l’UE et le Sénégal définissant des « intérêts communs dans les domaines de la gestion des frontières, de la prévention, du trafic et de la communication d’information ». Ces intérêts communs s’inscrivent également dans une coopération de longue date entre l’UE et le Sénégal en matière de contrôle migratoire, ainsi que dans le rôle historique d’acteurs externes dans la gouvernance sénégalaise des migrations et des frontières.
L’annonce d’Urpilainen est intervenue dans un contexte de niveau record d’arrivées par la route atlantique vers les îles Canaries en provenance du Sénégal, de la Mauritanie et du Maroc. En 2024, cette route a été la plus meurtrière au monde. Cette hausse des arrivées s’inscrit dans le contexte d’un engagement de longue durée de l’UE et du Sénégal visant à contenir et freiner la mobilité.
Au-delà du Partenariat Opérationnel Conjoint (POC), l’UE a un intérêt plus large dans la « gestion » des migrations au Sénégal. Ses engagements de longue haleine comprennent des projets dits de renforcement des capacités visant à améliorer les infrastructures frontalières et de surveillance. L’aide au développement a été mobilisée pour tenter d’agir sur les « causes profondes » de la migration.
L’UE a déjà eu par le passé une présence opérationnelle dans le pays. Entre 2006 et 2018, Frontex a mené des opérations de surveillance des frontières maritimes sénégalaises (pdf) dans le cadre des opérations Hera II et III. La Guardia Civil espagnole reste quant à elle présente, avec au moins quatre navires déployés.
L’espoir de redéployer Frontex au Sénégal a conduit le Conseil de l’UE, en juillet 2022, à autoriser l’ouverture de négociations sur un « accord de statut ». Celui-ci permettrait à Frontex de mener des opérations de surveillance des frontières dans le pays. Des négociations sur un accord de travail portant sur la coopération technique entre Frontex et le Sénégal sont mentionnées dans des documents européens dès 2016.
Le rétablissement de Frontex demeure une priorité essentielle pour l’UE, mais il s’agit d’une question controversée (pdf). En l’absence d’un accord pour surveiller les eaux sénégalaises, Frontex a entamé des discussions préliminaires avec les autorités du Cap-Vert concernant une surveillance aérienne sur la « route atlantique » (pdf). Ces vols ont officiellement été lancés en novembre 2025, avec pour objectif « d’améliorer la connaissance de la situation au-dessus de l’Atlantique ». Les opérations ont débuté malgré des inquiétudes internes rapportées en matière de protection des droits humains, en particulier concernant le principe de non-refoulement, soulevées par le responsable des droits fondamentaux de Frontex, Jonas Grimheden.
La coopération en matière de retour forcé constitue un autre sujet de tension entre le Sénégal et l’UE. Pour accroître la pression, la Commission a proposé en 2022 l’imposition de « sanctions en matière de visas ». Elles n’ont pas encore été approuvées par le Conseil. L’UE retarde également le lancement d’un Partenariat pour les Talents (pdf) avec le Sénégal, qui ouvrirait des voies de migration légale.
Ces dernières années, des manifestations ont eu lieu au Sénégal en lien avec les politiques migratoires européennes. Les protestataires ont dénoncé le traitement injuste des demandeurs de visa par les ambassades européennes et autres, appelant à des procédures plus rapides et moins strictes, à la fin de l’externalisation du traitement des demandes, et à la réduction des délais d’attente.
Des acteurs de la société civile, dont la branche sénégalaise d’Amnesty International, ont exprimé de vives inquiétudes quant à un éventuel déploiement de Frontex. D’autres, comme Boza Fii, se sont activement mobilisés contre sa présence.
Le lien entre gouvernance migratoire, inégalités sociales croissantes et extractivisme, notamment concernant la pêche industrielle, a également été clairement souligné par la société civile sénégalaise. Parallèlement, la perte de vies humaines le long de la route atlantique demeure une préoccupation majeure pour les communautés concernées.
L’UE considère que le gouvernement sénégalais a un intérêt clair à « développer un système efficace de gestion des frontières, incluant les frontières maritimes, terrestres et les aéroports internationaux ». En effet, la coopération entre les deux parties dans le domaine du contrôle des frontières et des migrations est en cours depuis des années.
En mars 2024, le parti Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l'éthique et la fraternité (PASTEF) a remporté à la fois les élections présidentielles et législatives. Le parti porte un agenda ostensiblement anti-impérialiste et néo-souverainiste.
L’accent actuel mis sur l’arrêt des départs illégalisés s’inscrit dans la continuité des initiatives prises par le précédent gouvernement. Fin 2020, le Sénégal a lancé son Comité interministériel de lutte contre la migration irrégulière (CILMI), qui a élaboré la Stratégie nationale 2023 de lutte contre la migration irrégulière.
Après un naufrage tragique ayant coûté la vie à au moins 37 passagers en septembre 2024, le président sénégalais Bassirou Diomaye Faye a réaffirmé l’engagement du gouvernement à lutter contre le trafic de migrants. En avril de cette année, le Premier ministre Ousman Sonko a annoncé l’intention du gouvernement de renforcer les sanctions contre les passeurs.
Le soutien budgétaire supplémentaire annoncé par l’UE en octobre 2024 devrait appuyer ces initiatives et d’autres mesures liéess, consolidant une approche de plus en plus restrictive vis-à-vis de l’émigration illégalisée.
Comme indiqué, les 30 millions d’euros seront distribués via le Mécanisme flexible pour la migration et le déplacement forcé en Afrique subsaharienne de l’UE. Celui-ci fait partie du budget de près de 80 milliards d’euros de l’Instrument de voisinage, de coopération au développement et de coopération internationale (NDICI).
Le Mécanisme flexible succède au Fonds fiduciaire d’urgence de l’UE pour l’Afrique et est conçu pour :
Le financement fourni dans le cadre du Mécanisme flexible est assorti de conditions strictes. Les interventions dans un pays dépendent non seulement de la situation de déplacement à laquelle celui-ci est confronté, mais aussi de ses relations avec l’UE et de son niveau d’engagement concernant :
Une « note conceptuelle » de la Commission européenne (pdf), publiée à la suite d’une demande d’accès aux documents, apporte davantage de précisions sur ce que financera l’augmentation budgétaire de 30 millions d’euros. Quatre objectifs clés (tableau 1) doivent être atteints à travers cinq axes (tableau 2).
La plupart des actions visent à renforcer les capacités de contrôle et de surveillance des frontières par les forces de sécurité sénégalaises, ce qui soulève de sérieuses préoccupations quant aux risques potentiels de violations des droits humains. Des problèmes similaires apparaissent dans les actions liées au renforcement de la protection et de l’assistance aux migrants.
Tableau 1: Quatre objectifs clefs de l’action (compiles par l’auteur)
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Quatre objectifs clefs: |
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Lutte contre la traite et le trafic de migrants via le renforcement des frontières maritimes, terrestres et aériennes
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Le sauvetage et l’aide aux migrants en danger, particulièrement au niveau de la route maritime
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Assure que les migrants, notamment les plus vulnérables, bénéficient d’une protection adequate en accord avec le respect de leur dignité et des droits humains
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Sensibiliser les populations aux dangers de la migration irrégulière et aux alternatives existantes
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Tableau 2: Les axes principaux de l’action (compiles par l’auteur)
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Axe 1 |
Le sauvetage en mer et la sécuritisation de la frontière maritime |
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Axe 2 |
La sécuritisation des frontières terrestres |
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Axe 3 |
La lutte contre les documents frauduleux |
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Axe 4 |
La protection et l’assistance aux migrants |
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Axe 5 |
La prevention de la migration irrégulière à travers la sensibilisation |
Dans le cadre du Mécanisme flexible, de nombreuses mesures visant à renforcer le contrôle et la surveillance des frontières maritimes, fluviales, terrestres et aériennes du Sénégal sont prévues. Parmi ces mesures figurent l’acquisition de bateaux de patrouille pour la police et la gendarmerie (certains dotés de capacités de recherche et de sauvetage), ainsi que la construction des infrastructures nécessaires à la gestion et à l’entretien de ces navires. Il était prévu que 15 bateaux soient fournis d’ici la mi-2025.
L’accroissement de la sécurisation des frontières terrestres comprend la construction et la réhabilitation de postes frontaliers. Les documents mettent fortement l’accent sur « l’interconnexion de ces postes » et sur la facilitation de la communication entre la gendarmerie, la police et les douanes, ainsi que sur le soutien matériel aux brigades territoriales de la gendarmerie.
Un soutien sera également apporté à des acteurs qui peuvent sembler inhabituels dans un contexte de contrôle frontalier : l’Agence nationale des affaires maritimes (ANAM) et la Direction des pêches. Cela est lié au développement d’un cadre réglementaire pour l’immatriculation des petites embarcations et des moteurs. L’objectif est de renforcer le contrôle étatique sur les navires et de faciliter les enquêtes lorsqu’ils sont utilisés pour des départs maritimes illégalisés.
D’autres mesures visent à renforcer le travail de renseignement et d’enquête. Les antennes régionales de la Division nationale de lutte contre le trafic de migrants et pratiques assimilées verront leur « capacité opérationnelle » renforcée, dans la continuité des financements européens précédents.
La Division nationale de lutte contre le trafic de migrants a été créée en janvier 2018. Elle a d’abord bénéficié d’un soutien bilatéral de la France. Un appui complémentaire a ensuite été fourni par le Partenariat Opérationnel Conjoint de l’UE. La Division fait partie de la police des frontières sénégalaise (Direction générale de la Police de l’Air et des Frontières).
Avec environ cinquante policiers travaillant sous l’autorité d’un commissaire, elle est devenue l’acteur sécuritaire central dans les efforts du pays contre le trafic de migrants. Outre son siège dans la capitale, l’UE a financé des antennes régionales à Rosso, Karang, Tambacounda, Kédougou, Saint-Louis, Saly et Ziguinchor.
Par ailleurs, la création d’une nouvelle Unité de Patrouilles Frontalières sera soutenue. Conformément aux négociations en cours de longue date, des « synergies » avec Frontex sont attendues. Enfin, le financement européen vise à améliorer les enquêtes liées aux documents frauduleux. Pour ce faire, la création, l’équipement et la formation d’une Division d’Enquête contre les documents frauduleux au sein de la Police de l’Air et des Frontières sont prévus.
Enfin, des financements seront consacrés à des campagnes d’information visant à dissuader la migration illégalisée. Celles-ci s’appuieront sur l’expérience acquise dans le cadre du projet « Tekki fii », financé par le Fonds fiduciaire d’urgence de l’UE.
La « note conceptuelle » de la Commission révèle également que l’UE prévoit de financer la construction de quatre centres d’accueil pour les « migrants secourus/interceptés ». Étant donné les antécédents de l’UE, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de ses frontières, toute proposition de financement de « centres d’accueil » nécessite un examen attentif. Replacé dans son contexte, le risque est très élevé que « l’interception dans le cadre de la recherche et du sauvetage » se transforme en « interception en vue de la détention ».
Les lieux proposés pour l’installation de ces « centres d’accueil » sont Saint-Louis, M’bour, le port de Dakar et l’aéroport de Dakar. Le financement soutiendra également l’élaboration et la mise en œuvre d’une procédure opérationnelle standard relative au débarquement des personnes secourues. Cette procédure a récemment été développée par l’Organisation internationale pour les Migrations (OIM), parallèlement à l’élaboration d’autres procédures et directives internes.
L’élément de « protection » de l’action concerne principalement le traitement des personnes une fois interceptées et détenues. L’intention est d’engager des organisations de la société civile pour surveiller le traitement des migrants et conseiller les forces de sécurité sur le respect de leurs droits.
Il existe un risque important que les centres dits « d’accueil » deviennent en réalité des infrastructures de détention. La « note conceptuelle » précise que les migrants devraient rester dans ces centres durant les 72 premières heures après leur sauvetage ou interception.
Le document mentionne également l’existence d’une zone distincte destinée aux « passeurs » au sein des centres. Dans cet espace, des entretiens à des fins d’enquête seraient menés et certaines personnes pourraient être détenues plus longtemps.
La manière dont cela fonctionnera en pratique reste à définir, mais pourrait conduire à une détention prolongée des migrants. Le cadre juridique sénégalais (Loi 2005-06 du 10 mai 2005) ne distingue pas de manière significative les passeurs des migrants.
L’article 12 de la loi stipule que les migrants ne doivent être exemptés de poursuites que s’ils n’étaient pas conscients de commettre une infraction. Des recherches récentes, ainsi que des travaux plus anciens et reportages, montrent que des migrants ont été poursuivis dans le cadre de cette loi.
Une proposition visant à modifier la loi a été adoptée techniquement en 2019. Elle devait introduire une distinction entre passeurs et migrants, alignant ainsi le cadre juridique sénégalais sur le Protocole des Nations unies contre le trafic illicite de migrants par terre, mer et air. Toutefois, cette réforme n’a toujours pas été adoptée juridiquement.
L’idée de construire des « centres d’accueil » n’est pas nouvelle. Elle est apparue officiellement pour la première fois dans la Stratégie nationale de lutte contre la migration irrégulière du Sénégal, qui appelle à la création de « centres de rétention administrative » aux points de passage frontaliers.
Actuellement, la pratique consiste à placer les migrants en garde à vue pendant 72 à 96 heures suite à leur interception. Les commissariats étant souvent mal équipés pour accueillir de grands groupes, il a été observé que des salles de classe servaient parfois d’hébergement.
Un rapport de l’OIM sur l’assistance au débarquement met en évidence la logique brutale mêlant détention et assistance : « Les migrants se cachent souvent au sein des populations locales, ce qui ralentit l’enquête et ne permet pas un soutien approprié aux victimes. »
Quelles que soient les logiques politiques propres au gouvernement sénégalais, les partenaires extérieurs ont encouragé l’augmentation des poursuites pour trafic illicite de migrants. L’un des indicateurs utilisés pour mesurer le succès des financements européens dans le cadre du Mécanisme flexible (pdf) est le nombre d’affaires faisant l’objet d’enquêtes et de poursuites. Le nombre de condamnations a également été utilisé comme indicateur dans un précédent document stratégique conjoint UE–Sénégal, qui orientait la coopération et la programmation.
La note conceptuelle met également en avant la nécessité de renforcer les capacités de recherche et de sauvetage, ainsi que l’importance de sauver des vies en mer.
Les mesures prévues incluent l’amélioration des capacités de surveillance et la mise en place d’un centre de coordination des opérations maritimes à Dakar, qui disposera de quatre antennes dans les régions côtières : Saint-Louis, Petite-Côte, Saloum et « Sud ».
Ce centre de coordination se concentrera exclusivement sur les cas liés au trafic illicite de migrants, à la traite des êtres humains, au trafic de drogue et à la piraterie.
Il coexistera avec le Centre principal de coordination des opérations de sauvetage maritime du Sénégal et ses centres de secours secondaires. Ces structures relèvent de la Haute Autorité chargée de la Coordination de la Sécurité maritime, de la Sûreté maritime et de la Protection de l’Environnement marin, créée en 2006.
Le décret établissant la Haute Autorité lui confie la responsabilité de la coordination dans tous les domaines liés à la sécurité, à la sûreté et à la protection de l’environnement dans les eaux maritimes et intérieures relevant de la juridiction sénégalaise (article 3). En temps normal, elle est chargée d’assurer la préparation opérationnelle du Centre principal de coordination des opérations de sauvetage maritime et des centres de secours secondaires (article 6).
L’arrêté relatif à l’organisation et au fonctionnement de la Haute Autorité (également approuvé en 2006) précise davantage son rôle. Elle doit coordonner toutes les missions assurées par les organes spécialisés, la gendarmerie, la police nationale et la marine visant à garantir un environnement maritime sûr, ce qui inclut la sauvegarde des personnes (articles 15 et 16).
Cependant, la coordination des incidents maritimes liés à la migration est assurée par une structure parallèle coordonnée par les forces de sécurité. Les interventions en mer à « mandat migratoire » (relatives à l’interception et au sauvetage) relèvent du ministère des Forces armées, avec le soutien de la Guardia Civil espagnole.
Les interceptions — c’est-à-dire l’acte de stopper, détenir ou rediriger un navire avant qu’il n’atteigne sa destination — représentent presque tous les cas coordonnés dans ce cadre. L’interception se distingue du sauvetage, ce dernier consistant en une assistance vitale apportée à un navire et à ses occupants en détresse ou en danger.
L’interception peut elle-même être mortelle et dangereuse, comme l’illustre un cas de 2023 où 17 passagers ont perdu la vie. De plus, une étude récente publiée par Statewatch et le Transnational Institute révèle que 92,3 % des interceptions menées dans le cadre de l’opération Hera II de Frontex équivalaient à des refoulements.
L’action financée par l’UE propose de renforcer les capacités de recherche et de sauvetage et de protéger la vie des migrants. Toutefois, elle manque l’occasion d’investir dans l’infrastructure globale de coordination maritime du Sénégal, se concentrant plutôt sur l’infrastructure d’interception migratoire du pays. Cela reflète le paradigme européen plus large du « sauvetage par l’interdiction / sauvetage sans protection ».
Cela intervient alors que la pêche artisanale le long des côtes sénégalaises, un secteur économique crucial mais de plus en plus sous pression, devient plus dangereuse et mortelle. Cette évolution est lié à la surpêche industrielle ainsi qu’à l’exploitation pétrolière et gazière le long de la côte sénégalaise. Il constitue un facteur important dans la décision de nombreux jeunes de partir.
Un investissement dans l’infrastructure globale de coordination des opérations de recherche et de sauvetage du pays aurait au moins pu contribuer à renforcer la sécurité humaine de l’ensemble des acteurs présents dans l’espace maritime sénégalais.
Les objectifs sous-jacents du budget de 30 millions d’euros sont l’interception, la détention et une préoccupation instrumentale pour la vie humaine. L’initiative s’inscrit dans des évolutions de long terme antérieures au changement de gouvernement en 2024, marquées par l’implication durable d’acteurs extérieurs, opérant souvent grâce à des financements de l’UE.
Cette intervention est indicative d’une tendance régionale plus large, caractérisée par des actions financées par l’UE qui renforcent la détention et ignorent les préoccupations en matière de droits humains. Elle prend forme sous couvert de la « lutte contre le trafic illicite de migrants », qui constitue à la fois une condition et un objectif du soutien financier de l’UE.
Ensemble, ces facteurs constituent les fondations d’une nouvelle ère de « gestion » carcérale de la migration par l’UE en Afrique de l’Ouest.
Auteur: Leonie Felicitas Jegen, doctorante, Université d’Amsterdam
€30 million from the EU's aid budget has been provided to Senegal for migration control. An examination of European Commission documents makes clear the main focus of the funding: border surveillance and control, maritime interception of people trying to leave Senegal to travel to European territory, and reception/detention infrastructure.
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